Un projet de constitution qui a du souffle

Luc Recordon, constituant

A l'automne 1998, un demi-millier de citoyens vaudois signaient un «Appel pour une révision de la constitution qui ait du souffle», qui s'élève en particulier au-dessus des clivages partisans habituels. On peut dire aujourd'hui, après deux ans sur trois de travail de la Constituante élue en février 1999, que l'appel a été entendu. 

Tout d'abord, l'Assemblée constituante a su se démarquer des modes de fonctionnement connus dans notre canton, notamment au Grand conseil. Les dialogues transversaux entre constituants de différents horizons politiques ont été nourris et constants. La prise en considération d'un canton qui doit impérativement évoluer ces prochaines années, la volonté de le moderniser sans forcément céder aux modes, un travail approfondi, des débats disciplinés, une écoute attentive, tout cela n'est pas le lot usuel de notre parlement. 

L'été dernier déjà, le rendu important (224 articles) des six commissions thématiques avait été noté comme une bonne surprise sur le plan de la qualité. On peut ajouter maintenant qu'une année de travaux en assemblée plénière sur cette base a permis d'élaborer en première lecture une version toujours importante (180 articles) dont le contenu a agréablement surpris au fil des séances. Droits politiques intégraux pour les étrangers, assurance maternité cantonale, apprentissage précoce des langues, ancrage solide des processus de médiation tant privée qu'administrative, mode de fonctionnement sérieux d'un Grand conseil qu'on peut espérer à la hauteur des attentes cette fois-ci, voilà quelques exemples de nouveautés qui doivent marquer l'entrée des Vaudois dans le XXIème siècle en les plaçant à la pointe des cantons suisses sur de nombreux plans. Quels efforts, quelles longues et incertaines discussions n'aurait-il pas fallu pour en faire autant à coup de réformes ponctuelles? Chacun bien sûr ne se retrouvera pas avec un égal bonheur dans toutes les nouveautés. Plusieurs regretteront certaines timidités, que d'autres trouveront bienvenues. Ainsi sur le statut des collectivités locales; mais le coup d'accélérateur donné aux fusions possibles et la clarification du sens de l'autonomie communale ne sont pas des acquis dépourvus d'intérêt. Sur le lancinant problème du droit de recours des associations tout n'est pas parfait et il y aura des améliorations à obtenir, mais le rôle de la société civile (associations, églises, médiation privée - on l'a dit) est enfin reconnu à sa juste place et à sa juste valeur. 

Il y a certes une vraie déception: le problème qui historiquement a donné lieu à la crise génératrice de la révision constitutionnelle n'est en rien résolu. La composition, les tâches et le fonctionnement du Conseil d'État demeurent en effet pour ainsi dire en l'état, malgré quelques petites avancées, comme l'importance accordée désormais au programme de législature et l'instauration d'un président permanent. C'est surtout le rôle stratégique du gouvernement qui n'est pas suffisamment favorisé et organisé. Ce sera là, avec les autres manques relevés plus haut le principal défi que la Constituante devra relever dès le mois de novembre prochain, afin de présenter au peuple un projet définitif tout à fait digne de l'attente. Peut-être le Conseil de l'avenir, s'il trouve grâce en deuxième lecture aux yeux de l'assemblée, qui l'a jusqu'ici refusé (de peu), saura-t-il au moins en partie combler cette lacune. 

La consultation est sur le point de s'ouvrir. Tous les habitants de ce canton se doivent d'y vouer attention, de faire leurs remarques et leurs propositions sans hésiter. Les constituants sont désormais à la disposition de leurs électeurs et de tous ceux qui vivent ici, pour expliquer ce qui a été fait et pour écouter en vue de savoir ce qu'il faut encore ajouter. 

Ce n'est pas le moment de s'essouffler. 

Les constituants ayant signé l' «Appel pour une révision de la Constitution qui ait du souffle»